Père de la moto la plus dominante du MotoGP, Gigi Dall’Igna est aussi celui qui aura façonné l’ère actuelle de la discipline par ses innovations. Il est par ailleurs celui qui gèrera cette saison le duo le plus attendu, son équipe d’usine réunissant le récent double champion du monde Pecco Bagnaia et un sextuple champion MotoGP à l’aura de légende, poussé par l’envie viscérale de retrouver le sommet, à savoir Marc Márquez.
À l’orée de ce championnat qui s’annonce comme le plus excitant qu’il nous ait été donné de suivre depuis des années, l’ingénieur italien a accordé une interview exclusive à Motorsport.com. En voici la première partie.
Combien de motos avez-vous chez vous ?
Franchement, j’en ai pas mal. Il doit y en avoir une dizaine.
Y en a-t-il une que vous appréciez tout particulièrement ?
Il y en a plus d’une. Mais toutes les motos me rappellent des souvenirs incroyables, parce que toutes les saisons sont faites de nombreuses situations, de beaucoup de problèmes et de solutions. Il est certain que les motos qui ont rapporté des titres sont les plus importantes, si on veut, mais à chaque fois que je regarde une moto, je repense à un souvenir particulier de ce championnat, alors je suis très lié à toutes les motos.
Avez-vous toutes les MotoGP ?
Pas toutes, mais certaines d’entre elles.
Aimez-vous rouler à moto ?
J’ai adoré conduire des motos, j’ai passé beaucoup de vacances à moto, mais je ne suis pas du genre à me rendre sur un circuit. J’ai toujours vécu la moto à travers de longs voyages avec ma femme. Le seul défaut de la moto, c’est que ça n’est pas un jouet dont on peut profiter en famille, alors maintenant j’ai vraiment du mal à trouver le temps de partir en voyage, je fais juste quelques tours autour de chez moi.

En quelques années, Ducati a marqué de son empreinte l’Histoire du MotoGP.
Photo de: Ducati Corse
Depuis que vous avez rejoint Ducati en 2014, les résultats de la marque ont suivi une trajectoire ascendante et la saison dernière a été la meilleure. N’avez-vous pas peur de devoir toujours faire mieux ?
Pour moi, l’important est de gagner, pas de dominer. Quand on domine, on commence à déplaire. Je travaille pour continuer à gagner, et parfois il peut arriver qu’on exagère un peu et qu’on se retrouve dans une situation comme celle-ci ! [rires] Mais mon objectif n’est pas de faire mieux chaque année, c’est simplement de gagner.
Et pensez-vous qu’avec les résultats extraordinaires des trois dernières années, les autres marques vous apprécient encore ?
[rires] Disons qu’il y a beaucoup de gens dans le paddock qui me trouvent antipathique, et franchement j’en suis désolé.
Quelle a été la plus grosse avancée technologique depuis votre arrivée en MotoGP ?
Celles qui sont les plus visibles sur la moto sont probablement celles qui concernent l’aérodynamique, ça a complètement changé la direction du développement de la moto. Mais le variateur de hauteur était aussi une très bonne idée, très bien mise en place.

Gigi Dall’igna gère aussi bien la technique que le choix des pilotes chez Ducati.
Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images
Le holethot device a en effet fortement marqué ces dernières années. Comment l’idée est-elle née ?
Comme souvent, cela paraît beaucoup plus simple avec le recul que lorsque ça s’est fait. L’idée est très simple : quand on regardait la télémétrie avant le variateur de hauteur, on se rendait compte que le temps durant lequel la moto atteignait la limite du moteur était très, très réduit − la limite du moteur, cela veut dire quand la performance de la moto n’est déterminée que par la puissance du moteur − car la moto cabrait beaucoup. La limite principale de la moto était donc véritablement le cabrage. Sur des circuits en théorie importants pour le moteur, comme le Mugello par exemple, on remarquait qu’une augmentation de 10 cv n’avait qu’un effet marginal sur le chrono, parce que le temps durant lequel le moteur était déterminant pour les chronos était vraiment minime.
Donc nous nous sommes d’abord concentrés sur la recherche d’une solution totalement automatique pour que la moto régule le centre de gravité, selon les différentes phases du pilotage. Nous nous sommes rendus compte qu’il était très compliqué de trouver un système totalement automatique. Puis, en s’inspirant de tout ce que les pilotes de Formule 1 doivent faire pour gérer leur auto pendant une course, je me suis dit que le pilote pouvait peut-être nous aider à simplifier le système en faisant certaines choses. C’est l’intuition qui a ensuite permis, selon moi, le développement de ce système, c’est-à-dire faire en sorte que le pilote fasse plus que piloter en course.
Après les records établis, surtout lors des trois dernières saisons, combien de temps vous projetez-vous en MotoGP ?
Ah, ça c’est une bonne question ! [rires] J’ai fait beaucoup de choses en moto depuis que j’ai intégré un département compétition pour la première fois, en 1992. Alors le moment viendra où je couperai l’ordinateur et où je ferai autre chose. Je dois dire cependant que le niveau technique et managérial des gens et des dirigeants chez Ducati est très élevé, et je pense que l’usine tournera bien sans moi.
Que ressentez-vous quand vous entendez que votre influence est similaire à celle d’Adrian Newey en Formule 1 ?
J’ai souvent été comparé à Newey, mais la grande différence entre nous est qu’il est surtout un ingénieur. Newey prend des décisions qui n’ont d’influence que sur la voiture, alors que je dois prendre des décisions qui dépassent le cadre technique. Elles concernent les pilotes, l’équipe, etc, la stratégie est donc différente. Je me vois plus comme un manager que comme un technicien. Je suis passionné de technologie et je dois aussi prendre des décisions sur l’aspect technique, mais mon travail est un peu plus général.
La seconde partie de l’interview de Gigi Dall’Igna est à retrouver dès demain sur Motorsport.com.
Dans cet article
Oriol Puigdemont
MotoGP
Ducati Team
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