Il existe des rendez-vous qui réunissent tous les ingrédients pour marquer profondément l’Histoire du sport. Nous aurons la chance en 2025 de voir deux pilotes à l’aura légendaire chacun dans leur discipline réaliser un changement qui aura cette ampleur, un de ces défis personnels qui ont de quoi changer le cours d’une carrière tout en dépassant le cas personnel d’un pilote puisque capables d’ajouter une page de choix au grand livre de la Formule 1 et du MotoGP.
Lewis Hamilton et Marc Márquez seront tous deux vêtus de rouge lorsqu’ils prendront place sur la grille de départ de leur premier Grand Prix de la saison, le 2 mars pour l’Espagnol et le 16 mars dans le cas de l’Anglais, et l’on sait déjà que la portée de cette image écrasera tout ce qui les entourera à cet instant-là. Le parallèle s’impose donc de manière évidente, le hasard ayant mené les deux stars, tous deux à la tête du plus grand palmarès parmi les pilotes en activité en F1 et en MotoGP, vers un défi en certains points comparable.
Le pont entre leurs deux situations n’est pas que chromatique, bien entendu. Tous deux ont choisi de rejoindre une prestigieuse marque italienne, dont l’aura vient faire écho à celle qu’eux-mêmes portent. Ducati est le constructeur qui est actuellement en train de révolutionner les Grands Prix moto, en ayant imposé sous la direction de Gigi Dall’Igna, patron habile autant qu’ingénieur de génie, des innovations techniques qui ont poussé l’ensemble des autres marques à suivre le mouvement. Un constructeur, aussi, qui a mis en place une stratégie sportive lui ayant permis de démultiplier ses succès au point de ne plus laisser que d’infimes miettes à la concurrence.
Ferrari ne connaît pas aujourd’hui une telle domination. Elle demeure en revanche l’écurie la plus titrée et la plus victorieuse en F1 et il s’agit d’une marque dont la légende reste puissante, certainement inégalée à l’échelle des sports mécaniques toutes disciplines confondues. La Scuderia a su plusieurs fois, au cours de sa présence ininterrompue sur les sept décennies du championnat du monde de Formule 1, s’adjoindre les services de pilotes stars, et c’est précisément ce qu’elle fait à nouveau en recrutant Hamilton, assurément le gros coup de Frédéric Vasseur à ce jour.

Le rouge ira-t-il bien à Lewis Hamilton ?
Photo de: Sam Bloxham / Motorsport Images
Dans un cas comme dans l’autre, l’union se fait alors que ni Hamilton, ni Márquez ne vit la période la plus prolifique de sa carrière. L’Espagnol s’emploie depuis cinq ans à remonter la pente, lui qui a connu un coup d’arrêt brutal alors qu’il venait de réaliser l’année précédente une saison record, marquant plus de points qu’aucun pilote ne l’avait fait jusqu’alors et cumulant victoires et deuxièmes places avec pour unique exception une chute à Austin alors qu’il était en tête. Sa blessure, à la première course de 2020, a été suivie par des complications, une interminable convalescence et une Honda peu à peu en perdition.
Hamilton, lui, a vu sa courbe de performance s’abaisser en 2022 alors que durant huit ans il avait enchaîné titres et places de vice-champion, avec en 2021 une couronne perdue dans le tout dernier Grand Prix. Ses difficultés étant plus récentes, leur analyse est moins aboutie que pour le pilote espagnol en moto. Qui sait dire aujourd’hui ce qu’elles doivent à une baisse de forme personnelle, une inadéquation à la génération actuelle de monoplaces ou à une perte de compétitivité de Mercedes ?
Et puis, Hamilton et Márquez sont dans le creux, certes, mais tous deux ont néanmoins renoué avec la victoire l’an dernier alors qu’ils n’avaient plus gagné depuis 2021. La disette aura duré 945 jours pour l’Anglais, 1043 pour l’Espagnol, soit 56 départs pour l’un et 38 pour l’autre (blessé à plusieurs reprises sur cette période). En retrouvant la plus haute marche du podium, ils se sont rassurés, car on a beau être multiple champion du monde, on n’en doute pas moins lorsque le vent tourne et que la réussite n’est plus au rendez-vous. Âgés respectivement de 40 ans et bientôt 32, Hamilton et Márquez se sont prouvés qu’ils étaient encore capables de battre les jeunes pépites de leur sport, même s’ils ont pu croire que le train était passé lorsqu’ils se trouvaient au plus bas.
Toutefois, si ce retour à la victoire était un phénomène physique comparable à une onde, provoquant un effet durable pour le pilote, elle n’aurait pas la même amplitude pour l’un et l’autre. Au vu de son âge, Hamilton entre selon toute vraisemblance dans le dernier épisode de sa carrière. Surtout, malgré ses deux victoires de 2024, obtenues sur une courte période, ses performances globales laissent beaucoup d’interrogations quant à son niveau de compétitivité, voire sa capacité à s’adapter aux exigences des F1 actuelles.
Márquez, pour sa part, avait pour objectif unique en 2024 de se prouver à lui-même qu’il était encore capable d’être performant. Une mission accomplie, mais qui s’est en plus doublée d’une autre validation aux implications immenses : il a gagné en ayant changé de moto et a donc réussi au passage son adaptation à la Ducati, ce qui va lui permettre d’entamer le championnat 2025 en ayant déjà levé ses doutes les plus profonds.

Marc Márquez s’est déjà rassuré quant à sa capacité à gagner avec Ducati.
Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images
Il lui en restera bien un, celui de savoir comment il va trouver sa place dans une équipe officielle Ducati qui, aujourd’hui, tourne autour de Pecco Bagnaia, pilote dominateur depuis 65 Grands Prix, avec dans sa besace 29 victoires (dont 11 rien que la saison dernière) et deux titres. Se montrant humble, Márquez promet que son nouveau coéquipier sera sa référence du fait de son expérience dans ce stand, mais quiconque connaît la volonté féroce de gagner qui anime le #93 sait que sitôt la visière de son casque baissée, il ne sera poussé que par son esprit de compétition et rien d’autre.
Márquez a pris de l’avance en s’adaptant à l’univers Ducati
Indéniablement, Márquez l’a joué finement, avec l’esprit en permanence porté sur le moyen terme. Réaliser une année de transition dans le team privé Gresini Racing, après avoir obtenu la rupture anticipée de son contrat avec Honda, lui a permis de sortir de la spirale négative, extrêmement lourde à porter, qui a connu son paroxysme en 2023, mais c’était aussi une excellente manière de découvrir de nouvelles manières de travailler. Loin du fonctionnement rigide du constructeur japonais qui avait accompagné chacun de ses pas dans la catégorie MotoGP, il s’est fondu à merveille dans l’atmosphère latine d’une équipe familiale et chaleureuse, retrouvant une seconde jeunesse qui pourrait bien le mener très loin.
Hamilton, lui, va connaître ce changement radical d’environnement cette année, puisque c’est la première fois qu’il va courir pour une écurie n’étant pas basée en Angleterre. Sur le plan technique, il va aussi disposer pour la première fois d’un moteur autre que Mercedes et, plus largement, devra faire taire les oiseaux de mauvais augure en prouvant sa capacité à s’adapter à sa monoplace. Comme Márquez, il va intégrer un stand dans lequel se trouve un pilote déjà bien installé, en l’occurrence Charles Leclerc − situation qu’il a toutefois déjà connue en 2013 lorsqu’il a rejoint Mercedes aux côtés de Nico Rosberg. Dans cette démarche, il sera soulagé de retrouver un visage familier dans le garage, celui de Frédéric Vasseur, pour qui il a couru avant la F1.
Pour l’un comme pour l’autre de nos deux nouveaux pilotes rouges, on imagine difficilement un tel changement se projeter sur une courte union si la mayonnaise prend. Hamilton a contre lui son âge, mais d’autres ont prouvé et continuent de le faire que la quarantaine n’est pas rédhibitoire en F1. L’échéance à laquelle chacun pense plus volontiers, en F1 comme en MotoGP, c’est l’approche d’une nouvelle règlementation : Hamilton la vivra avec sa nouvelle écurie puisque son accord court au moins jusqu’en 2026, tandis que Márquez devra décrocher une prolongation de contrat pour être toujours avec Ducati en 2027, au moment de l’entrée dans le prochain cycle. Le challenge de 2025 sera donc aussi de poser les bases d’un partenariat pouvant ou non s’inscrire sur la durée et, le cas échéant, constituer possiblement le dernier mariage de ces grands champions avec un groupe les menant à la retraite.

Lewis Hamilton plonge dans l’inconnue avec Ferrari.
Photo de: Steve Etherington / Motorsport Images
La dynamique de leur équipe respective comptera aussi bien sûr dans la réussite du challenge que relèvent Hamilton et Márquez. Sur ce point, l’Espagnol n’a pas franchement de souci à se faire, personne ne semblant en mesure de faire tomber de son piédestal Ducati avant le changement de réglementation attendue dans deux ans. Dans le cas de la F1, la question est plus ouverte, car même si Ferrari a très bien terminé 2024, il lui faudra confirmer cette dynamique sur l’intégralité du championnat à venir.
Cela fait longtemps maintenant que la Scuderia n’a pas su rivaliser durablement avec les autres écuries prétendantes au titre, la dernière saison l’ayant vu se battre pour le Graal (chez les pilotes) jusqu’au bout remontant à 2012 alors qu’elle tente en vain de titrer un de ses pilotes depuis maintenant 18 ans. Portée par McLaren et Red Bull, la concurrence est plus fournie qu’en MotoGP au niveau le plus haut, même si, côté moto, Ducati va devoir composer avec l’adversité de teams satellites à qui elle fournit un matériel d’usine (en l’occurrence un seul pilote est concerné cette année puisque le programme se réduit) et celle d’un Jorge Martín parti apposer son #1 sur une Aprilia qui est justement la seule à avoir privé les Desmosedici du score parfait en 2024.
Demain, Ducati intronisera officiellement Marc Márquez comme l’un de ses pilotes officiels lors de sa traditionnelle présentation de Madonna di Campiglio, avec la promesse de lui apporter ce qui se fait de mieux durant deux ans. Lewis Hamilton, lui, sera à Fiorano, où l’attend un premier roulage au volant de la Ferrari. Deux immenses champions face au challenge qu’ils ont choisi de relever, et assurément en quête d’une couronne sertie de diamants (rouges).
Dans cet article
Léna Buffa
Formule 1
MotoGP
Lewis Hamilton
Marc Márquez
Ferrari
Ducati Team
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