À son arrivée dans la catégorie MotoGP, Jorge Martín réalisa des débuts tonitruants, décrochant une pole et un podium à sa deuxième course, après avoir passé 18 tours en tête. Pourtant, dès le troisième week-end, le rêve faillit tourner court lorsqu’une violente chute l’envoya à l’hôpital.

Durant 43 jours, on n’allait plus le revoir en piste. Son quotidien est alors devenu celui des grands blessés, contraint d’en passer par trois opérations et une longue rééducation pour soigner huit fractures à la main, à la cheville et au genou, à droite comme à gauche. Avec quatre impacts enregistrés à plus de 25 g, Martín a aussi pris un choc à la tête qui lui a aussi valu de perdre connaissance et la mémoire.

Et puis, il y a eu le contre-coup moral après un accident d’une telle violence et face à la montagne à gravir que représentait cette accumulation de blessures. Jorge Martín, alors âgé de 23 ans, a bien failli jeter l’éponge. “J’ai pensé arrêter parce que je me suis dit que ça n’en valait peut-être pas la peine d’avoir aussi mal et de souffrir autant pour être sur une moto”, expliquait-il quelques semaines plus tard, décrivant autant son abattement que ses peurs de ne pas totalement se remettre.

“J’ai dit dans une interview que j’avais même pensé à m’arrêter car j’ai traversé des moments vraiment durs”, expliquera-t-il plus tard cette année-là, en se livrant pour le podcast officiel du MotoGP, comme spectateur lui-même de ces pensées auxquelles il a dû faire face.

“Il vaut mieux ne pas connaître ce moment. Ça n’est pas bon, car si on y pense ne serait-ce qu’une seconde c’est qu’une partie de soi veut arrêter. Quand on est au plus bas, on ne pense pas à gagner ni à célébrer quoi que ce soit, on se dit juste qu’on a mal et qu’on ne veut pas rester dans cette douleur. Puis, quand ça va mieux, on veut revenir et reprendre l’entraînement pour remonter sur la moto. Mais à ce moment-là, c’était très difficile.”

Une vraie renaissance ensuite, tel “un phœnix”

Une fois rassuré sur sa condition physique, Jorge Martín a tenté de tirer des enseignements de cette épreuve. D’abord, elle lui a appris à mieux appréhender les pneus frais dans la catégorie. “C’est une chute qui est arrivée à la sortie des stands car ces pneus neufs sont normalement brillants et il faut les ‘nettoyer’. Or, je ne le savais pas à ce moment-là parce que j’étais un rookie, avec deux courses MotoGP à mon actif”, expliquait-il plus récemment dans un portrait réalisé par Red Bull.

“Maintenant, quand je prends la piste et que les pneus sont brillants comme ça, j’essaye toujours d’être très fluide et propre, pour ensuite attaquer. Mais si on pousse alors qu’ils ont cette surface brillante, alors c’est la merde !”

Le plus gros accident de Jorge Martín, et celui dont il ressent encore l'émotion aujourd'hui.

Le GP du Portugal 2021, le plus gros accident de Jorge Martín et celui dont il ressent encore l’émotion aujourd’hui.

Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images

Et puis, il a cherché à puiser une nouvelle force mentale dans ce qu’il a vécu. “Je suis un pilote qui se remet très vite des blessures, mais en Moto3 et en MotoGP ça n’est clairement pas la même chose. La moto est plus grosse, les pilotes sont meilleurs, on est au plus haut niveau. Quand je me suis blessé [à Portimão], je me disais ‘ça va, j’ai fait le podium au Qatar, je peux revenir à un bon niveau’, mais c’était beaucoup plus facile en Moto3”, constatait-il en 2021, évoquant la blessure dont il s’était vite remis quatre ans plus tôt : “Je me souviens être revenu en Autriche et être monté sur le podium. En MotoGP, tout est plus difficile, y compris le fait de revenir de blessure.”

Après cet accident au Portugal, l’Autriche a encore représenté une étape d’importance, car c’est là qu’il a décroché sa première victoire, moins de quatre mois après. “Le plus difficile à dépasser a été la douleur dans mon dos. J’ai eu des soucis, y compris quand j’ai gagné en Autriche”, a-t-il avoué cependant.

L’année dernière, plusieurs événements l’ont ramené à ce qu’il a ressenti lors de cet accident. Gagner le GP du Portugal, notamment, lui a donné le sentiment de renaître : “J’ai un grand phœnix dans le dos depuis Portimão 2021. En revenant à cette position et en gagnant, j’ai eu le sentiment d’être un phœnix [renaissant de ses cendres].”

Les traces psychologiques de la chute restent toutefois palpables. Ainsi, au mois de novembre, lorsqu’il a remporté le titre, son but ultime en MotoGP, ce souvenir a une nouvelle fois refait surface. “Après la course, j’étais ému, mais vraiment sous le choc. Quand je me suis couché, j’ai commencé à beaucoup à pleurer dans mon lit, seul”, a-t-il raconté à l’époque.

“Maria [sa compagne] dormait et j’ai commencé à pleurer. Je me suis beaucoup souvenu des moments difficiles, d’à quel point ça a été difficile. Ce qui est important, c’est que je n’ai jamais renoncé. Dans mon lit, je me suis souvenu de mes huit blessures à Portimão. Pendant un mois, je ne pouvais même pas marcher. Et j’en suis là aujourd’hui donc c’est fou.”

Avec Vincent Lalanne-Sicaud

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Léna Buffa

MotoGP

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