Le GP d’Autriche 2020 fait partie des plus grands moments d’effroi que le MotoGP nous ait réservés ces dernières années, un épisode dont on ne cesse de mesurer avec le recul à quel point il s’est fallu de peu pour qu’il ne bascule dans le drame.

Ce jour-là, au Red Bull Ring, Johann Zarco et Franco Morbidelli s’accrochent et subissent une très lourde chute, mais voient aussi leurs motos en perdition voler vers la sortie du bac à gravier en direction de la piste, qui suit à cet endroit un virage à angle droit et en montée. Par pur miracle, les motos démembrées et lancées à toute vitesse ne font que frôler les autres pilotes lorsque ceux-ci sortent du virage.

Valentino Rossi est particulièrement concerné, lui dont les images au ralenti montreront qu’il a été évité de justesse par ces projectiles massifs et au potentiel destructeur effrayant. En évoquant cette scène il y a quelques jours, l’Italien, qui a pris sa retraite un an et demi plus tard, a admis que ce Grand Prix avait contribué à le mener à la décision d’arrêter, tant il a eu le sentiment de l’avoir échappée belle.

“Honnêtement, c’est un moment qui a beaucoup compté dans mon départ”, a-t-il admis en parcourant sa carrière dans le podcast Mig Babol. “J’avais envie de courir. J’étais vieux désormais, […] mais j’ai toujours dit ‘Je ne veux pas m’arrêter en étant au sommet de la vague, je veux juste m’arrêter quand je n’y arriverai vraiment plus’. Comme ça, je n’aurais pas eu de regrets, je me serais arrêté en étant détendu et il ne me serait jamais venu à l’esprit de me dire ‘Ah, et si j’avais continué…’ Et je suis content d’avoir fait comme ça, d’ailleurs, parce que je dois dire que j’ai bien vécu mon départ.”

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“L’Autriche a été une course importante dans ce processus, justement”, poursuit Rossi, “parce que dans les dernières années, j’ai toujours essayé, non pas de faire attention, parce que de toute façon ça reste des courses MotoGP, mais en tout cas de ne pas faire le fou.”

“En Autriche, on faisait une bonne course, j’étais avec Viñales. On est arrivés au virage 3 et, derrière, Franco et Zarco se sont accrochés. La ligne droite de l’Autriche se fait plus ou moins à 300 km/h, puis c’est un freinage compliqué parce qu’il n’est pas droit, mais un peu penché. Avec les MotoGP, on freine précisément quand on est un peu [incliné] et on a vraiment la sensation que la moto est à la limite. Et au-dessus, il y a un virage qui se passe à 50 km/h.”

Maverick Viñales et Valentino Rossi frôlés par les motos en perdition.

Maverick Viñales, juste devant Valentino Rossi, frôlé par les motos en perdition.

Photo de: MotoGP

“Et, punaise… Je freine, j’étais derrière Viñales, concentré pour essayer de faire en sorte qu’il ne s’échappe pas. On était quatrième et cinquième, ou quelque chose comme ça [sixième et septième, ndlr]. Et je me souviens que quand j’ai freiné, j’ai commencé à faire entrer la moto [dans le virage] et j’ai vu une ombre passer, quelque chose qu’on ne voit pas habituellement. Franchement, sur le moment, j’ai pensé à l’hélicoptère”, poursuit-il.

“Et puis, un instant après, j’ai vu la moto de Zarco exploser et voler au-dessus de Viñales. Viñales, d’instinct, a lâché le guidon [et a mis ses mains au-dessus de la tête], comme quand on a un vase qui tombe. J’ai vu Viñales assez secoué et je suis rentré au stand, la tête entre les mains. Mais la moto de Franco, qui a été vraiment le risque pour moi, je ne l’ai pas vue. Ça a été… Pfff !”

Dans la dynamique de l’accident, la Yamaha de Morbidelli a glissé et rebondi dans le bac à gravier, pour finir par traverser la piste en passant précisément dans l’espace séparant les motos de Viñales et Rossi. La Ducati de Zarco, elle, s’est d’abord écrasé contre l’airfence pour mieux y rebondir et, totalement détruite, s’envoler pour passer par-dessus Viñales.

“Quand je suis rentré, j’avais la tête dans les mains à cause de la moto de Zarco au-dessus de Viñales. Je me disais qu’il avait eu chaud parce que la moto lui était passé au-dessus”, reprend Rossi. “Mais j’ai vu que tout le monde était bien blanc […] et ils m’ont dit ‘Mais, et la moto de Franco ?’ Moi, sincèrement, je ne l’avais pas vue, tellement elle est passée vite. J’ai revu les images et là je me suis dit ‘putain’… Parce qu’en plus, quand elle est passée près de moi, elle s’est même redressée un moment, donc ça aurait vraiment été un désastre.”

Valentino Rossi n'a pas tout de suite réalisé ce qui s'était passé.

Valentino Rossi n’a pas tout de suite réalisé ce qui s’était passé.

Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images

“Et là, franchement, […] je me suis dit qu’en courant en MotoGP, même si on fait attention, il peut arriver qu’on se trouve au mauvais endroit au mauvais moment et, là, ça craint. Après, de toute façon, je n’étais pas tellement compétitif en 2021, mais c’est un peu ce qui m’a mené à m’arrêter.”

“J’ai toujours pensé que, d’un côté, Maverick et moi on a eu beaucoup de chance mais, punaise, il faut dire aussi qu’on aurait vraiment énormément manqué de chance ! On était entre nous, on n’avait fait aucune erreur, on était devant… Si on avait tous les deux été percutés par deux motos, on aurait vraiment eu la poisse !” conclut Valentino Rossi, lui qui a déjà expliqué comment la chute de trop, à Assen en 2021, avait été le dernier déclencheur dans sa décision de mettre un terme à sa carrière.

Cet accident, dans lequel personne n’a été sérieusement blessé, a finalement poussé à modifier le tracé du Red Bull Ring afin d’éviter qu’une moto accidentée avant ce virage ne puisse ainsi finir sa course folle en traversant la piste de l’autre côté.

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